Les nez fins et discrets des AOP

Vous connaissez les acteurs principaux des filières AOP (Appellation d’Origine Protégée), du producteur de lait jusqu’à l’affineur en passant par les transformateurs fromagers. Mais connaissez-vous les dégustateurs appelés dans le langage professionnel « juges »?

Séance de CEO en AOP Ossau-Iraty

Présentation des échantillons de fromages lors de la CEO AOP Ossau-Iraty
Qui sont ces juges?
Ils sont professionnels actifs ou retraités de la filière, techniciens, crémiers, restaurateurs ou consommateurs avertis. Ils aiment le fromage, son terroir et veulent participer à sa reconnaissance. Ils forment un groupe appelé « jury » qui se retrouve une à plusieurs fois par mois dans le cadre d’une « CEO » (Commission d’Examen Organoleptique) pour évaluer les fromages produits selon des conditions de production de lait, de transformation fromagère et d’affinage spécifiques, référencées dans un cahier des charges.
Quels sont leurs rôles?

Fiche de dégustation de l’AOP Chaource www.fromage-chaource.fr
Les juges utilisent leur 5 sens pour vérifier si ces fromages « AOPables » expriment bien au travers de leurs aspects, leurs odeurs, leurs textures et leurs goûts, leur terroir. C’est ce qu’on appelle la « typicité » ; propriété d’appartenance du fromage issu d’un terroir déterminé. Contrairement à la conformité, la typicité admet une variété interne plus ou moins grande selon le milieu physique et humain de la zone d’appellation. Cette variété interne se traduit par des fromages aux caractéritiques sensorielles plus ou moins différentes. Observez ici l’exemple de l’AOP Ossau-Iraty. Si le fromage est jugé « typique » selon les critères de notation mis en place, alors il sera couronné du « petit logo rouge » que vous connaissez.

Construction et validation de l’arborescence du goût du Chaource avec la CEO à la suite d’un accompagnement sur le goût (de janvier à juin 2015).
F. Bérodier – CTFC – 03/07/2015. Méthode RMT « Fromages de terroir » www.fromage-chaource.fr
Détente ou travail ?
Le plus grand plaisir ressenti par les juges n’est pas forcément celui procuré par la dégustation mais par la satisfaction d’avoir bien fait leur travail. Un travail, car pour réaliser correctement cette tâche d’évaluation, les juges doivent avoir des compétences appelées « aptitudes » et un certain état d’esprit. En effet, chaque juge doit faire abstraction de son propre avis dépendant de ses connaissances, ses organes sensoriels, ses émotions, sa mémoire, ses habitudes…Il doit évaluer le fromage de manière objective en utilisant une méthode, un lexique et des références spécifiques à la typicité du fromage. Une formation-accompagnement, un apprentissage et un entraînement régulier sont nécessaires pour que le juge saisisse, maîtrise et partage avec le jury cette « culture sensorielle » liée au terroir en question.
Les aptitudes des juges
Comme tout appareil de mesure, il est possible de vérifier un certain nombre de caractéristiques métrologiques permettant de valider la fiabilité des juges. 3 aptitudes peuvent être mesurées :
- La répétabilité (ou fidélité) : est-ce que le juge donne la même note à un même fromage présenté deux fois ?
- La discrimination (ou sensibilité) : est-ce que le juge donne des notes assez différentes à des fromages différents ?
- L’accord avec le jury ( ou justesse): est-ce que le juge donne la même note que la moyenne des notes donnée par le jury ?
Chez l’être humain, ces aptitudes sont naturellement relativement faibles mais peuvent être améliorées par l’entraînement organisé par les techniciens spécialisés ou analystes sensoriels responsables des CEO de chaque AOP.
En évaluant ces fragments de terroir, ces juges aux nez fins et discrets sont des acteurs incontournables des filières AOP. Placés en bout de chaîne, à la veille de commercialiser le fromage, ils veillent à maintenir l’expression du terroir impliquant l’effort de nombreuses familles de producteurs, fromagers, affineurs pour la garantir au consommateur, dégustateur !